Paperjam e-Club | Table ronde en ligne| 2 juin 2020

« Le télétravail du mythe à la réalité »

 

Le télétravail massif, stop ou encore ? Faut-il adapter la législation en la matière ? Comment mettre en place un télétravail qui profite à tous ? Quels sont les écueils à éviter ?

Mis en place rapidement depuis deux mois, le télétravail à grande échelle a constitué une réponse forte pour lutter contre la propagation du coronavirus au Luxembourg et ses flux quotidiens de plus de 200 000 frontaliers. Deux mois plus tard, et alors que plus d’un employé sur deux (55 %) juge le télétravail positif (selon le Statec), l’heure était au premier bilan à l’occasion d’une première table ronde organisée en live par le Paperjam e-Club.

Autour du modérateur Thierry Raizer, rédacteur en chef de Paperjam, quatre orateurs étaient présents pour débattre du sujet et répondre en direct aux questions du public :

Les constats

Jusqu’au surgissement de la crise, le télétravail s’est développé lentement au Grand-Duché de Luxembourg.

Avec la crise, on peut observer un basculement net pour les travailleurs résidents : 69 % d’entre eux ont télétravaillé (48 % à temps complet, 21 % en alternance avec le présentiel).

La mise en place du télétravail a permis :

  • d’éviter la propagation du virus et ainsi une mortalité plus élevée au Grand-Duché de Luxembourg,
  • d’assurer la continuité de la grande majorité des activités tertiaires, prépondérantes au Luxembourg : finance (11 % des emplois et 24 % de la valeur ajoutée ), assurances, services aux entreprises,

Les limites :

  • le télétravail, lorsqu’il était possible, a été induit par la crise sanitaire, sans préparation technique, organisationnelle et managériale, ni accompagnement des salariés,
  • si les activités pratiquées sont créatrices, la productivité s’améliore avec le télétravail ; si les activités sont routinières, la productivité diminue,
  • plus de la moitié des salariés du Grand-Duché exerçant dans des métiers moins qualifiés et moins bien rémunérés que dans les activités de finance et d’assurance, ne peuvent pratiquer le télétravail : ouvriers de production, caissières de supermarché, etc. Cela pose le problème de l’égalité de traitement entre salariés et interroge sur la nécessaire reconnaissance sociale des professions.

Les perspectives

Les participants s’accordent pour envisager un développement du télétravail – un des moyens pour le Grand-Duché de Luxembourg de gérer la croissance des emplois en continuant à être attractif pour les qualifications de haut niveau, de réduire les problèmes de mobilité et de lutter contre le réchauffement climatique – qui ne peut cependant être la solution « miracle » pour plusieurs raisons :

  • le risque de l’affaiblissement des interactions sociales au travail et de l’érosion de la cohésion du collectif de travail,
  • le risque de donner la priorité aux résultats et d’occulter les moyens pour y parvenir,
  • le risque d’inégalités de traitement entre l’ensemble des salariés,
  • les contraintes fiscales (dans le cadre des accords bilatéraux dont les limites par jours ne sont pas atteintes) et surtout sociales (règlement européen de la limite des 25 % du temps travaillé).

Si une quotité de 1 à 2 jours par semaine paraît raisonnable à tous, le développement du télétravail doit être mené de manière « structurelle » en veillant à :

  • prendre en compte l’ensemble des parties prenantes : salariés, employeurs, pays,
  • identifier précisément les activités et les tâches qui peuvent être télétravaillées,
  • mettre en place dans les entreprise un accompagnement aux évolutions organisationnelles et managériales (importance du volontariat du salarié et de la confiance du manager au fondement de la motivation du salarié), à la maîtrise des outils digitaux par les salariés,
  • prévenir la cybercriminalité,
  • séparer nettement la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés,
  • prendre en compte le risque encouru par les activités de restauration au Grand-Duché avec le développement du télétravail n

 

Pour aller plus loin :

            l’article de Paperjam : https://paperjam.lu/article/teletravail-devrait-rester-par

            l’enregistrement de la table ronde : https://paperjam.lu/article/table-ronde-sur-teletravail

 

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UniGR-CBS | Table ronde en ligne| 28 mai 2020

« Les réalités frontalières dans la Grande Région en temps de pandémie »

 

L’UniGR-Center for Border Studies (UniGR-CBS – Centre Européen d’Etudes sur les Frontières) est un réseau transfrontalier et thématique qui réunit environ 80 chercheuses et chercheurs des universités membres de l’Université de la Grande Région (UniGR) spécialistes des études sur les frontières, leurs significations et enjeux. Dans le cadre de la série de conférences interrégionales organisées depuis décembre 2019 sur le thème « Réalités des frontières : défis et perspectives en période d’incertitude« , l’UniGR-CBS tenait le 28 mai 2020 une table ronde en ligne.

Le constat : la pandémie COVID-19 et les mesures prises ont changé de manière drastique la façon dont les citoyens cohabitent. Les conséquences sont particulièrement visibles dans les régions frontalières européennes où les passages frontaliers ont été fermés, les contrôles aux frontières renforcés et l’entrée considérablement restreinte en mars 2020.

L’objectif de la table ronde : se pencher sur l’expérience de la fermeture des frontières dans la Grande Région et, dans une approche rétrospective, en discuter de manière critique et productive dans une perspective d’avenir, en évoquant tant les réalités quotidiennes et les initiatives de protestation que la gestion de la frontière et les processus de concertation politique (interrégionaux). En concluant par une question : à quoi devrait ressembler l’avenir de la coopération transfrontalière avec ou après le COVID-19 ?

Les participants :

  • Patrick Barthel, vice-président de l’Université de Lorraine, délégué aux relations franco-allemandes et directeur du Centre franco-allemand de Lorraine (CFALor)
  • Martina Kneip, co-initiatrice de l’initiative « Schengen is alive » et directrice du Centre Européen Schengen
  • Philipp Krämer, professeur par intérim en linguistique à l’Université européenne Viadrina de Francfort (Oder), Viadrina-Center B/ORDERS IN MOTION)
  • Florian Weber, professeur jun. en études européennes, spécialisé sur l’Europe occidentale et les espaces frontaliers, Université de la Sarre, UniGR-Center for Border Studies

Animation

  • Christian Wille, chercheur en étude des frontières et directeur de l’UniGR-Center for Border Studies (Université du Luxembourg)
  • Astrid M. Fellner, professeure de littérature et d’études culturelles nord-américaines, Université de la Sarre

Les points saillants des échanges

Avec la pandémie de Covid-19 qui a fait plus de 150 000 morts sur le continent, l’Europe est revenue largement sur la suppression des contrôles aux frontières intérieures, un principe fondateur de l’espace Schengen. Créé en 1985, ce dernier, qui compte 26 États (22 États membres de l’UE + l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse), n’a jamais été aussi contrarié dans son fonctionnement : des contrôles stricts ont été réinstaurés sur l’ensemble de son territoire, et à ses frontières extérieures.

Fermeture des frontières en Europe au 22 mai 2020

Légende

Rouge : Frontières fermées aux étrangers, exception faite du transport de marchandise.

Orange : Restrictions aux frontières. Seules certaines catégories de voyageurs sont acceptées, comme les travailleurs transfrontaliers, par exemple. Certaines nationalités pourront également se voir refuser l’entrée sur le territoire.

Jaune : Les conditions d’entrée sont quasi-normales. Valable uniquement pour les Européens dans l’espace Schengen.

 

Depuis le mois de mars, le monde s’est érigé de barrières. Les frontières devenues, avec le temps, si abstraites sur les routes européennes, gommées par les vols long-courriers à l’international, sont redevenues, en un très court laps de temps, une réalité. L’irruption du Covid-19 n’a pas seulement imposé une distance – sociale –  entre les humains. La peur qu’il a suscitée, a amené les pays à se barricader, pensant trouver en la frontière l’obstacle infranchissable qui empêcherait le virus de se répandre.

 

Cette « renationalisation » des frontières, opérée sans concertation entre les Etats et sans pédagogie vis-à-vis des citoyens, a suscité dans les différents versants de la Grande Région des réactions contrastées :

  • d’incompréhension, de déception et de ressentiment de la part des populations ;
  • de protestation (par exemple en Lorraine et au Grand-Duché de Luxembourg, contre la fermeture de la frontière allemande) ;
  • de solidarité concrète (accueil de patients du Grand Est dans les hôpitaux allemands et luxembourgeois) ou symbolique (manifestations d’élus français, allemands et luxembourgeois à l’occasion de la journée de l’Europe le 9 mai ; message de solidarité de maires sarrois à l’attention des Lorrains).

 

La fragilité de la coopération transfrontalière a été révélée par cette crise, en particulier dans les relations franco-allemandes, alors que le Traité d’Aix la Chapelle a un peu plus d’un an d’existence. La fermeture de la frontière allemande a suscité une forte incompréhension de la part des citoyens des versants voisins –incompréhension que les Allemands ont eux-mêmes ressentie sur leur frontière avec la Pologne qui n’a autorisé que la circulation de fret.

 

Heureusement, les réseaux transfrontaliers ont continué à fonctionner, mais de manière davantage implicite et bilatérale qu’explicite et multilatérale, à l’exemple de la déclaration commune de Tobias Hans et Jean Rottner du 14 avril, qui a précédé le Sommet des Exécutifs de la Grande Région du 28 avril dernier.

 

Quelles perspectives pour la coopération transfrontalière ?

  • permettre aux citoyens de mieux se faire entendre à l’égard des politiques sur le vécu du transfrontalier au quotidien ;
  • sensibiliser les pouvoirs centraux/fédéraux à la dimension transfrontalière ;
  • conforter en l’explicitant le mode de gouvernance transfrontalière en Grande Région, en y incluant l’anticipation et la gestion de crise : idée d’un G5 ou G6 (incluant le Bade-Wurtemberg) de la Grande Région ; identification partagée des réformes structurelles nécessaires et des domaines prioritaires d’action (transports, logistique, recherche, enseignement supérieur, formation professionnelle, apprentissage, multi/plurilinguisme), afin de renforcer l’attractivité de la Grande Région. n

 

 

Pour aller plus loin, le lien vers l’enregistrement de la table ronde

https://www.youtube.com/watch?v=rgQ4OhD1kWA&t=5103s

 

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