UniGR-CBS | Table ronde en ligne| 28 mai 2020

« Les réalités frontalières dans la Grande Région en temps de pandémie »

 

L’UniGR-Center for Border Studies (UniGR-CBS – Centre Européen d’Etudes sur les Frontières) est un réseau transfrontalier et thématique qui réunit environ 80 chercheuses et chercheurs des universités membres de l’Université de la Grande Région (UniGR) spécialistes des études sur les frontières, leurs significations et enjeux. Dans le cadre de la série de conférences interrégionales organisées depuis décembre 2019 sur le thème « Réalités des frontières : défis et perspectives en période d’incertitude« , l’UniGR-CBS tenait le 28 mai 2020 une table ronde en ligne.

Le constat : la pandémie COVID-19 et les mesures prises ont changé de manière drastique la façon dont les citoyens cohabitent. Les conséquences sont particulièrement visibles dans les régions frontalières européennes où les passages frontaliers ont été fermés, les contrôles aux frontières renforcés et l’entrée considérablement restreinte en mars 2020.

L’objectif de la table ronde : se pencher sur l’expérience de la fermeture des frontières dans la Grande Région et, dans une approche rétrospective, en discuter de manière critique et productive dans une perspective d’avenir, en évoquant tant les réalités quotidiennes et les initiatives de protestation que la gestion de la frontière et les processus de concertation politique (interrégionaux). En concluant par une question : à quoi devrait ressembler l’avenir de la coopération transfrontalière avec ou après le COVID-19 ?

Les participants :

  • Patrick Barthel, vice-président de l’Université de Lorraine, délégué aux relations franco-allemandes et directeur du Centre franco-allemand de Lorraine (CFALor)
  • Martina Kneip, co-initiatrice de l’initiative « Schengen is alive » et directrice du Centre Européen Schengen
  • Philipp Krämer, professeur par intérim en linguistique à l’Université européenne Viadrina de Francfort (Oder), Viadrina-Center B/ORDERS IN MOTION)
  • Florian Weber, professeur jun. en études européennes, spécialisé sur l’Europe occidentale et les espaces frontaliers, Université de la Sarre, UniGR-Center for Border Studies

Animation

  • Christian Wille, chercheur en étude des frontières et directeur de l’UniGR-Center for Border Studies (Université du Luxembourg)
  • Astrid M. Fellner, professeure de littérature et d’études culturelles nord-américaines, Université de la Sarre

Les points saillants des échanges

Avec la pandémie de Covid-19 qui a fait plus de 150 000 morts sur le continent, l’Europe est revenue largement sur la suppression des contrôles aux frontières intérieures, un principe fondateur de l’espace Schengen. Créé en 1985, ce dernier, qui compte 26 États (22 États membres de l’UE + l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse), n’a jamais été aussi contrarié dans son fonctionnement : des contrôles stricts ont été réinstaurés sur l’ensemble de son territoire, et à ses frontières extérieures.

Fermeture des frontières en Europe au 22 mai 2020

Légende

Rouge : Frontières fermées aux étrangers, exception faite du transport de marchandise.

Orange : Restrictions aux frontières. Seules certaines catégories de voyageurs sont acceptées, comme les travailleurs transfrontaliers, par exemple. Certaines nationalités pourront également se voir refuser l’entrée sur le territoire.

Jaune : Les conditions d’entrée sont quasi-normales. Valable uniquement pour les Européens dans l’espace Schengen.

 

Depuis le mois de mars, le monde s’est érigé de barrières. Les frontières devenues, avec le temps, si abstraites sur les routes européennes, gommées par les vols long-courriers à l’international, sont redevenues, en un très court laps de temps, une réalité. L’irruption du Covid-19 n’a pas seulement imposé une distance – sociale –  entre les humains. La peur qu’il a suscitée, a amené les pays à se barricader, pensant trouver en la frontière l’obstacle infranchissable qui empêcherait le virus de se répandre.

 

Cette « renationalisation » des frontières, opérée sans concertation entre les Etats et sans pédagogie vis-à-vis des citoyens, a suscité dans les différents versants de la Grande Région des réactions contrastées :

  • d’incompréhension, de déception et de ressentiment de la part des populations ;
  • de protestation (par exemple en Lorraine et au Grand-Duché de Luxembourg, contre la fermeture de la frontière allemande) ;
  • de solidarité concrète (accueil de patients du Grand Est dans les hôpitaux allemands et luxembourgeois) ou symbolique (manifestations d’élus français, allemands et luxembourgeois à l’occasion de la journée de l’Europe le 9 mai ; message de solidarité de maires sarrois à l’attention des Lorrains).

 

La fragilité de la coopération transfrontalière a été révélée par cette crise, en particulier dans les relations franco-allemandes, alors que le Traité d’Aix la Chapelle a un peu plus d’un an d’existence. La fermeture de la frontière allemande a suscité une forte incompréhension de la part des citoyens des versants voisins –incompréhension que les Allemands ont eux-mêmes ressentie sur leur frontière avec la Pologne qui n’a autorisé que la circulation de fret.

 

Heureusement, les réseaux transfrontaliers ont continué à fonctionner, mais de manière davantage implicite et bilatérale qu’explicite et multilatérale, à l’exemple de la déclaration commune de Tobias Hans et Jean Rottner du 14 avril, qui a précédé le Sommet des Exécutifs de la Grande Région du 28 avril dernier.

 

Quelles perspectives pour la coopération transfrontalière ?

  • permettre aux citoyens de mieux se faire entendre à l’égard des politiques sur le vécu du transfrontalier au quotidien ;
  • sensibiliser les pouvoirs centraux/fédéraux à la dimension transfrontalière ;
  • conforter en l’explicitant le mode de gouvernance transfrontalière en Grande Région, en y incluant l’anticipation et la gestion de crise : idée d’un G5 ou G6 (incluant le Bade-Wurtemberg) de la Grande Région ; identification partagée des réformes structurelles nécessaires et des domaines prioritaires d’action (transports, logistique, recherche, enseignement supérieur, formation professionnelle, apprentissage, multi/plurilinguisme), afin de renforcer l’attractivité de la Grande Région. n

 

 

Pour aller plus loin, le lien vers l’enregistrement de la table ronde

https://www.youtube.com/watch?v=rgQ4OhD1kWA&t=5103s

 

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« COVID-19 : le pire est-il certain ? »

Visioconférence de la Fondation IDEA | 20 mai 2020

 

Dans son intervention introductive, Muriel Bouchet, directeur de la Fondation IDEA, a expliqué que dans cette période d’incertitude radicale, la Fondation IDEA avait souhaité profiter de la publication de son nouveau document de travail « Coronavirus : quel impact économique au Luxembourg ? » pour le compléter utilement par une analyse de Denis Ferrand.

Docteur en économie internationale de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble, Denis Ferrand est directeur général de Rexecode (centre de Recherche pour l’EXpansion de l’ECOnomie et le Développement des Entreprises) depuis décembre 2008. Il est également président de la Société d’Economie Politique depuis novembre 2016. Il est chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut de Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine. Il intervient également au titre d’expert en macroéconomie auprès de l’APM (Association Progrès du Management). 

 

Analyse de la situation macroéconomique dans le monde, en Europe et en France

par Denis Ferrand

Dans son propos liminaire, Denis Ferrand a insisté sur la nécessité d’une grande modestie dans les analyses et les perspectives (plutôt que les prévisions). Les prévisionnistes doivent en effet réinventer dans l’urgence le contenu de leur boîte à outils tant leurs méthodes et modèles habituels se révèlent peu adaptés à cette crise sanitaire et à l’incertitude maximale qu’elle génère. Il leur faut d’abord quantifier l’impact des mesures de confinement en exploitant une large gamme de données puis formuler des hypothèses sur le calendrier de la reprise de l’activité pour tracer des perspectives de croissance.

L’incertitude maximale bouscule les trois temps de l’exercice de prévision économique• Le premier temps est de nature paramétrique. Il associe, à un horizon de trois mois, la prévision de croissance aux résultats des enquêtes sur le climat des affaires. Or, le plongeon de la plupart d’entre elles à des niveaux inédits ne permet plus la quantification d’un solde des opinions des chefs d’entreprise.

• Le deuxième temps est de nature analytique. Il dessine, à un horizon de 18 mois à deux ans, l’orientation des postes de la demande, qu’il s’agisse de la consommation des ménages, de l’investissement des entreprises ou des échanges mondiaux, à partir d’un jeu d’interrelations entre des variables de prix, d’emploi, de revenu…

Or, l’incertitude est maximale quant à la vitesse à laquelle les ménages réduiront (ou pas) l’épargne qu’ils accumulent pour la majorité d’entre eux au cours du confinement. Comment se rétabliront les échanges mondiaux alors que les frontières pourraient rester plus ou moins fermées ? Des difficultés d’approvisionnement au moment du rétablissement des liens commerciaux seront aussi probables, freinant ainsi l’activité. En somme, les interrelations théoriques pourraient perdurer mais l’inconnue porte sur l’évolution des comportements.

• Le troisième temps est de nature structurelle et s’envisage dans le temps long. La croissance d’une économie dépend du capital humain et physique qu’elle peut mobiliser et des gains dans l’efficacité de la combinaison de ces ressources fondamentales. Comment prévoir alors que la crise économique, avec son cortège de hausse du chômage et de disparitions d’entreprises n’a pas véritablement débuté ? A l’inverse, la nécessaire adoption de technologies numériques et de nouveaux modes d’organisation de la production à une vitesse inédite est-elle prometteuse d’une accélération prochaine des gains de productivité ?

L’impact de la « crise COVID » sur l’activité et les finances publiques au Luxembourg

par Muriel Bouchet

 

La crise « Corona » est un choc sanitaire avant tout, mais aussi un événement socio-économique doublement important. Il se caractérise à la fois par son caractère général – puisqu’il affecte l’ensemble des foyers et entreprises de notre planète bleue – et par son intensité, avec à la clef un considérable ressac de l’activité économique attendu pour 2020

Le Grand-Duché n’est certes pas épargné, même si les aspects sanitaires de la crise y ont été traités de manière ordonnée. Même en ce mois de mai synonyme de « déconfinement », le retour en usine ou au bureau demeure progressif et partiel.

Procéder à une évaluation de l’impact de ce choc sur le plan luxembourgeois est une véritable gageure. C’est pourtant à cet exercice que la Fondation IDEA s’est livré, en menant à bien divers exercices de simulation visant notamment à mieux cerner les retombées économiques et budgétaires du (dé)confinement.

Ces simulations visent avant tout à aider à mieux appréhender l’incidence de la crise du Coronavirus sur l’activité économique et les finances publiques grand-ducales. L’orientation du document de travail est purement quantitative et ce dernier est « confiné » aux seules années 2020 et 2021. Il ne s’agit donc pas d’inférer les conséquences de moyen terme de la crise sur l’ensemble des dimensions socio-économiques – autant d’exercices certes indispensables, sur lesquels IDEA ne manquera d’ailleurs pas de se prononcer au cours des mois – voire des années – à venir.

Pour en savoir plus…

Voir la présentation de Denis Ferrand – IDEA 20 mai 2020

Voir la  présentation de Muriel Bouchet – IDEA 20 mai 2020

Voir le document IDEA : « Coronavirus : quel impact économique au Luxembourg ? » 

Voir l’article du PaperJam du 22 mai 2020 :  « Coronavirus la croissance amputée »

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