Colloque transfrontalier « Pour un développement territorial équilibré »
Mardi 23 mai 2023 10h-16h00 – L’Arche – Villerupt
A l’initiative du Département de Meurthe-et-Moselle, 70 élues et élus locaux, parlementaires, acteurs institutionnels et associatifs se sont réunis ce mardi 23 mai à Villerupt, à l’espace culture de L’Arche, pour débattre d’aménagement du territoire, de prise en charge de la perte d’autonomie ou encore de mobilités et d’habitat.
Ce colloque rythmé en trois tables rondes, animées par Aurélien Biscaut secrétaire général de la Mission Opérationnelle Transfrontalière, a permis d’échanger sur des problématiques concrètes et d’ajouter une pierre à la construction d’une unité territoriale fondée sur la solidarité, la cohésion sociale et territoriale à l’échelle du bassin de vie transfrontalier intégrant le Pays Haut dans l’espace métropolitain autour de la ville de Luxembourg.
Cet espace métropolitain est caractérisé par une polarisation croissante porteuse de déséquilibres et de vulnérabilités qui interrogent le modèle de développement du Grand-Duché.
Le secrétaire général de l’IGR était présent.
LES TABLES RONDES ET LES INTERVENANTS
Bien vieillir en territoires transfrontaliers
- Catherine Boursier, Première Vice-présidente du Département de Meurthe-et-Moselle déléguée à l’autonomie
- Henri Lewalle, Président du groupe de travail santé du CESGR
- Véronique Guillotin, Présidente de la commission santé du Conseil régional Grand Est
Sobriété dans les territoires transfrontaliers
- Vincent Hamen, Vice-président du Département de Meurthe-et-Moselle délégué au transfrontalier et aux relations internationales
- Julien Schmitz, Directeur de l’AGAPE
- Damien Nerkowski, Directeur général de l’EPA
Pour un développement territorial équilibré
- André Corzani, Vice-président du Département de Meurthe-et-Moselle délégué à l’aménagement
- Dominique Gros, Président de l’association au-delà des frontières, Maire honoraire de Metz
- Marie-Josée Vidal, Premier Conseiller de Gouvernement Luxembourgeois, Coordinatrice générale
- Vincent Hein, Directeur de la fondation IDEA
En introduction, la Présidente du Département de Meurthe-et-Moselle, Chaynesse Khirouni, a résumé l’enjeu : « La coopération franco-luxembourgeoise est depuis trop longtemps le parent pauvre de la coopération transfrontalière et nous devons, à l’heure où l’Etat réécrit sa feuille de route sur le devenir de la coopération transfrontalière, montrer notre unité sur l’impact crucial du fait frontalier sur notre territoire ».
La Présidente a pointé des avancées trop lentes sur des problématiques qui touchent au quotidien des habitants et travailleurs frontaliers telles que les places en crèche et, plus largement, les services en matière de petite enfance, le vieillissement de la population et l’aide à l’autonomie des personnes âgées ainsi qu’à leur maintien à domicile, l’accès aux soins, les investissements nécessaires pour améliorer le cadre de vie et favoriser une mobilité décarbonée, la gestion des ressources en eau comme du foncier, ou encore la formation.
« Si nous devons travailler et discuter ensemble, c’est pour garantir une qualité de vie à nos citoyens, qu’ils vivent, travaillent, sortent, se cultivent, se baladent, d’un côté ou de l’autre de la frontière », a complété Vincent Hamen, Vice-Président au transfrontalier et aux relations internationales.
La table ronde « Bien vieillir en territoire transfrontalier » a permis de dégager des difficultés partagées avec le Grand-Duché (le manque croissant de personnels de santé et d’auxiliaire de vie) tout en alertant sur la « fuite » des soignants au bénéfice du Luxembourg et la nécessaire sollicitation d’une contribution financière de la part de l’Etat luxembourgeois à la formation des infirmières (comme il fait désormais pour les étudiants en médecine de la 4e à la 6e année de formation en Lorraine, après avoir été formés à Esch pour leurs trois premières années).
La mise en place d’une Zone d’Accès Organisée aux Soins Transfrontaliers (sur le modèle franco-belge) a été avancée, incluant une coopération entre hôpitaux ainsi que des Maisons ou des Centres de Santé transfrontaliers.
La table ronde « Sobriété dans les territoires transfrontaliers » a insisté sur la finitude des ressources alors que les prévisions d’augmentation du flux de frontaliers, des résidents et du développement économique luxembourgeois sont vertigineuses. La nécessaire mise en œuvre de la sobriété tant énergétique et foncière sur un territoire marqué par une très forte empreinte carbone nécessite un pilotage fort et une planification partagés avec le Grand-Duché.
La table-ronde « Pour un développement territorial équilibré » après avoir souligné les opportunités et les vulnérabilités du développement actuel polarisé par le Luxembourg, a permis d’évoquer, entre autres, la nécessité d’une prise en charge juste et équilibrée du coût de fonctionnement de certains services publics, comme de réponses transcendant les frontières en matière de mobilités.
Les tables rondes successives ont conclu à l’importance de favoriser le dialogue et les synergies entre les acteurs sur les urgences à porter auprès du gouvernement luxembourgeois comme du gouvernement français qui ne prend pas la vraie mesure de ce fait transfrontalier.
En conclusion, la Présidente du Département a lancé un appel aux élus locaux afin de parler d’une seule voix et de « porter ensemble ces combats pour faciliter le quotidien des dizaines de milliers de travailleurs frontaliers et répondre aux difficultés rencontrées par nos collectivités et nos territoires. Le développement ne peut s’envisager que partagé ! »
Eléments de compréhension du contexte
Source « Pour un développement cohérent de la métropole transfrontalière du Luxembourg dans la Grande Région » CES Luxembourg Juin 2022
Tableau 2 Opportunités et vulnérabilités liées à l’intégration transfrontalière du Luxembourg et des régions voisines
Pour les territoires frontaliers du Luxembourg | Pour le Luxembourg | |
Aspects positifs etopportunités |
· Regain démographique.
· Augmentation du pouvoir d’achat local (salaires, prestations sociales) potentiellement favorable à l’économie présentielle (services à la personne,commerce, immobilier, loisirs, …) et aux finances publiques (TVA). Augmentation de la valeur du patrimoine foncier etimmobilier. · Augmentation de l’attractivité relativepour des activités plus intensives enfoncier. · Image dynamique pour des territoires(ruraux ou en reconversion industrielle) qui ont trouvé des relais de développement(bien qu’exogènes). · Facilitation de la lutte contre le chômage pour les territoires souffrant de la désindustrialisation. |
· Facilité de recours à une main-d’œuvrequalifiée localisée dans un bassind’emploi de proximité.
· « Non dépenses » publiques(infrastructures de formation, d’éducation, de soins, équipementspublics, chômage, dépendance, …) et retenue d’impôts à la source. · Pays jouissant de l’image d’une «métropole » européenne attractive. · Effet de « décompression » relatif du marché foncier et immobilier. · Disponibilité des leviers politiques propres à un État dans les négociations avec des partenaires grand- régionaux ayant descompétences plus limitées. |
· Possibilité de créer des « effets de masse critique » par la mise en commun et la mise en réseau de moyens (humains, financiers, projets, etc.).
· Possibilité de développer une image et une attractivité internationales. · Complémentarité des territoires. |
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Aspectsnégatifs etvulnérabilités |
· Pression foncière et immobilière. · Inégalités (de revenus et d’accès aulogement) entre « locaux » etfrontaliers. · Faible attractivité relative pour les entreprises et les activités à haute valeurajoutée. · Attractivité salariale du Luxembourg faisant concurrence aux entrepriseslocales. · Charges publiques (formation, éducation, soins, petite enfance,équipements divers) et rentrées fiscales liées à l’activité économique faibles encomparaison à la densité d’actifs. Sentiment de relégation (« banlieuesdortoirs »). · Image de régions se reposant sur la seule proximité du Luxembourg et n’ayant pas de moteur de développement endogène. · Poids politique moindre des collectivitéslocales (BE-DE-FR) par rapport à unÉtat (LU). |
· Maintenir l’attractivité par rapport aux autres territoires nécessite des efforts continus (salaires, prestations sociales, infrastructures, etc.).
· Coût d’opportunité lié aux salaires etprestations sociales reversés à l’étranger. · Pression foncière et immobilière, congestion pouvant à terme fairebaisser l’attractivité. · Risque de relégation des classessociales moins aisées vers la périphérie (parfois à l’étranger), sentiment dedéclassement. · Risque de ressentiment entre lapopulation résidente et les actifs non-résidents. · Image du pays comme profitant del’aubaine de la présence d’actifs dans les régions frontalières : nécessité de donner davantage de gages de coopération. · Absence de leviers politiques directs pourmener des actions dans sa zone d’influence(dépendance de décisions politiquesextérieures). |
· Dépendance croissante du modèle de développement de facteurs exogènes sur lesquels seule une politique active de coopération peut avoir un impact.
· Hyperspécialisation des territoires et des actifs (polarisation) limitant la capacité à mener une diversification économique. · Étalement urbain, allongement des déplacements et de leur impact sur la qualité de vie etl’environnement. · Vulnérabilité du modèle de développement face au risque de « retour des frontières ». |