Les Brunchs de l’IGR #7 | Esch-sur-Alzette (L)
/dans Brunch/par Guy KeckhutMaison de la Grande Région
Dialogue avec Boris Ravignon,
maire de Charleville-Mézières,
président de la Communauté d’agglomération Ardenne Métropole
Points saillants des échanges
En préambule, Boris Ravignon a tenu à exprimer sa joie de revenir à Esch-sur-Alzette après plus d’une décennie et a souligné les évolutions visibles et le dynamisme de ce territoire en reconversion.
Evoquant le mouvement des gilets jaunes, il a distingué deux phases du mouvement : avant (mouvement légitime au regard des prélèvements et du coût des énergie chauffage et carburant pour la mobilité) et après (essoufflement progressif, récupération/instrumentalisation croissantes, violences coûteuses pour les collectivités et manifestations antisémites inacceptable) les annonces du Président de la République en janvier 2018.
Pour lui, l’enjeu est désormais de sortir rapidement du conflit sans humiliation de qui que ce soit, et le rôle des élus est de favoriser cette issue, en veillant à une utilisation efficace des deniers publics.
Dès le 2 décembre, il a souhaité que des échanges avec les gilets jaunes puissent se dérouler dans les locaux de la mairie de Charleville-Mézières et a organisé le 14 décembre une réunion « grand débat » dans chacun des quartiers de la ville. Les sujets les plus évoqués ont été le pouvoir d’achat et la transition écologique.
Photo : paperJam
La réforme territoriale
Les simplifications (exemple du développement économique relevant désormais seulement des régions et intercommunalités) engagées par la loi NOTRe vont dans le bon sens mais la décentralisation reste très imparfaite.
Le maintien de compétences partagées (logement, culture, sport, tourisme) induit un éclatement des politiques et déresponsabilise l’Etat et les collectivités.
Europe, Grande Région et coopération transfrontalière
L’Europe
Pour l’Ardennais qu’est Boris Ravignon, une sortie de l’Europe est impensable et impossible. Même si les contrôles aux frontières ont disparu, les frontières subsistent et sont un obstacle à la continuité des actions publiques.
Pour autant, dans un contexte de concurrence forte entre les entreprises et de délocalisation à l’est de l’Europe d’activités manufacturières comme en a connues le territoire le Charleville-Mézières, il lui semble difficile de convaincre les citoyens que l’Europe protège. Il redoute une forte absentions lors des élections européennes et des scores élevés pour les partis extrémistes favorables au repli sur soi.
Il regrette l’absence d’un projet commun de développement de l’Europe.
Le couple franco-allemand
S’il doit être consolidé, il n’est plus une condition suffisante pour avancer selon Boris Ravignon qui appelle à développer le dialogue aussi avec les « petits » états afin d’éviter qu’ils ne se sentent traités avec condescendance.
La Grande Région
Boris Ravignon souligne le dynamise de l’économie du Grand-Duché de Luxembourg et marque son admiration pour l’Université de Belval, exemple emblématique de reconversion de friches minières set sidérurgiques.
Il souhaite que le Département des Ardennes soit totalement intégré à la Grande Région (il ne dispose pour le moment que d’un poste d’observateur dans les Instances du Sommet des Exécutifs), en raison du fait que toute la partie est de ce département est sous l’influence de la sphère d’attractivité du Grand-Duché.
Il illustre cet enjeu par quelques projets à dimension transfrontalière :
- la marque Ardenne (tourisme) ;
- la liaison ferroviaire Charleville-Mézières-Luxembourg (désormais inférieure à 2 heures) ;
- la coopération universitaire (plus facile qu’avec Troyes…).
Bruno Echterbille, échevin d’Herbeumont, (Wallonie, province de Luxembourg), se déclare très favorable à l’intégration du département des Ardennes à la Grande Région et souligne l’intérêt du retour d’expérience partagé autour de problématiques communes : espaces naturels, circuits courts.
Bruno Theret et Marie-Noëlle Neven soulignent l’enjeu partagé de la ruralité entre la Grande Région et le département des Ardennes.
La coopération transfrontalière
Boris Ravignon salue la posture du Président de la Région Grand Est qui fait confiance, en respectant la diversité des territoires, aux acteurs locaux pour construire en proximité une coopération transfrontalière.
Le rôle que la Région Grand Est entend assumer (cadre stratégique global, accompagnement méthodologique, financements) est pour lui un bon exemple de subsidiarité.
Bruno Theret, après avoir rappelé que la Région Grand Est allait assurer la présidence du Sommet des Exécutifs de la Grande Région dans deux ans, évoque l’opportunité, dans le cadre des règlement européens, du droit à l’expérimentation (application du droit du voisin dans des zones transfrontalières de co-développement).
En réponse à une observation de Guilhem Royer relative à l’attractivité professionnelle du Grand-Duché du Luxembourg, qui accroît les difficultés de recrutement des entreprises (en particulier dans le domaine du sanitaire et social) et peut susciter des discours agressifs de certains élus, Boris Ravignon insiste sur la nécessité de s’interroger sur l’inadaptation de l’appareil de formation (en particulier initiale) afin de répondre aux besoins en compétences.
Le territoire de Charleville-Mézières
Boris Ravignon rappelle que ce territoire est en train de sortir de quatre décennies de désindustrialisation, de pertes d’emplois (12 000 emplois industriels en moins en 40 ans), de chômage et de recul démographique.
L’enjeu stratégique est non d’inverser la tendance mais de conforter la transition de ce territoire vers un nouveau modèle de développement fondé sur :
- des industries modernisées et innovantes (à l’exemple de la plateforme technologique et scientifique Platinum 3D, dédiée à l’obtention de pièces métalliques par les procédés de fabrication additive) ;
- des activités sources d’attractivité et de développement endogène : culture (Arthur Rimbaud, festival mondial des Marionnettes), patrimoine, tourisme.
Brigitte Vaisse souligne l’enjeu de la culture comme facteur de cohésion sociale.
L’opération « Action Cœur de ville »
En cours, elle vise à « reconstruire la ville sur la ville » en faisant face à trois grands enjeux :
- la reconversion des multiples friches (industrielles, administratives, militaires, hospitalières) ;
- la rénovation des nombreux logements dégradés ;
- le redynamisation d’un commerce laminé par les grandes surfaces périphériques (à cet égard, il regrette le manque de cohérence de l’Etat à l’initiative de l’opération « Cœur de ville » mais qui vient d’autoriser le doublement d’une grande surface).
En réponse à une question de Jean-Paul Nollet relative à l’extension du périmètre de l’Etablissement Public Foncier de Lorraine, Boris Ravignon affirme préférer le scénario d’un EPF spécifique, en raison du coût de l’adhésion (plus de 1 M €) et du risque de faible poids de la ville et de l’agglomération Ardenne Métropole dans la gouvernance.
Le plan « Ardennes 2022 »
Boris Ravignon souligne l’originalité de la démarche (sur le modèle d’un contrat de projet avec l’Etat) : pour une fois, la stratégie a été travaillée par les acteurs locaux (depuis juin 2018, plus 500 personnalités ardennaises – élus, associations, acteurs socio-économiques, administrations – ont planché à travers 17 groupes de travail) qui ont dégagé des axes et des actions (plus de 100 actions à ce jour, dont 27 font déjà l’objet d’un engagement de l’Etat à hauteur de 12 M €).
Il salue l’engagement de la Région Grand Est à s’associer à ce plan et à engager aussi des financements.
Il évoque les dimensions transfrontalières fortes de ce plan au travers :
- du développement touristique (la marque Ardenne est transfrontalière : Wallonie, Grand-Duché de Luxembourg, France) ;
- de la santé (avec la Wallonie proche) ;
- de l’armature urbaine (avec l’ambition pour Charleville-Mézières d’être pôle métropolitain de l’Ardenne transfrontalière) ;
la ruralité et le périurbain avec le grand enjeu du coût de la mobilité (en développant le transport à la demande et l’auto-partage), du chauffage et du traitement des déchets.