6ème édition de la conférence transfrontalière sur les mobilités
Le transport aérien représente entre 3% et 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le 1er accord mondial visant à réduire l’impact climatique du transport aérien international a été conclu le 6 octobre 2016 au sein de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale – OACI. Pour être en phase avec l’accord de Paris sur le climat, il faut revenir à 2 tonnes de CO2 par personne d’ici 2050. Cependant, 25% des passagers prennent l’avion pour des raisons professionnelles. Alors, comment réduire l’impact du transport aérien sur l’environnement ?
Dans ce contexte, l’agence Inspire Metz a organisé la 6ème édition de la conférence transfrontalière sur les mobilités animée par Daniele Behr tant en français qu’en allemand.
Dans une première table ronde, des experts ont abordé la thématique de la décarbonation du transportaérien et des différents leviers pour limiter et réduire les émissions de dioxyde de carbone.
Puis deux entrepreneurs experts ont partagé leurs expériences et leurs perspectives sur les nouvelles technologies et les initiatives visant à réduire l’empreinte carbone du secteur aérien.
Enfin, dans une deuxième ronde, des représentants de trois infrastructures aéroportuaires de la Grande Région transfrontalière ont évoqué l’évolution des aéroports dans un contexte de mutation, ainsi que leurs stratégies d’avenir en lien avec leurs territoires et les exigences environnementales.
Le secrétaire général l’IGR a participé à cette conférence qui s’est déroulée dans le salon de Guise à l’Hôtel de ville de Metz.
Dans son allocution d’ouverture, Cédric Gouth, Président d’Inspire Metz (mais aussi Maire de Woippy, 2e Vice-Président de l’Eurométropole de Metz en charge du développement économique, Conseiller régional Grand Est et Président de la Commission Tourisme de la Région), souligne que la mobilité n’a pas de frontières, concerne de très nombreux acteurs et est au cœur des enjeux tant de transition écologique que d’aménagement du territoire.
Il rappelle que le secteur du transport aérien est en pleine évolution post-covid et évoque le maillage aéroportuaire du territoire de la Grande Région qui compte 8 aéroports (Charleroi, Liège, Luxembourg, Francfort, Sarrebruck, Metz-Nancy, Vatry et Strasbourg), confrontés aux mêmes défis : la décarbonation grâce aux innovations, l’élaboration d’une stratégie partagée de complémentarité entre eux au service du développement touristique et économique.
Près de cinq milliards de passagers, un chiffre d’affaires tutoyant les 1.000 milliards de dollars : le transport aérien s’attend à battre des records en 2024, laissant un peu plus la crise du Covid-19 dans le rétroviseur. Et 10 milliards de passagers sont attendus en 2040 (perspective de forte croissance en Chine, Inde, Afrique où les classes moyennes se développent).
Le trafic aérien intérieur (y compris Outre-Mer et non-commercial) représente 3,8% des émissions de CO2 du secteur des transports et 1,5 % des émissions totales de la France ; st si on tient compte des vols internationaux, le secteur aérien est à l’origine de 7% des émissions de CO2 en France. Cela parait peu mais depuis 1990, la France a diminué ses émissions de CO2 de 20 %, alors que celles du transport aérien augmentaient de 80 % et l’avion génère 200 grammes de CO2 par kilomètre et par passager contre 14 grammes pour le train.
Depuis longtemps le secteur aéronautique recherche des solutions techniques innovantes :
- L’allègement de la masse (nouveaux matériaux) ;
- L’amélioration de la motorisation ; les moteurs de l’entreprise française Safran ont une consommation de 20 à 25% inférieure à celle des moteurs d’ancienne génération ;
- Les carburants alternatifs d’origine non fossile, obtenus par exemple avec des huiles de friture usagées ou des déchets de canne à sucre. L’hydrogène est à un horizon lointain (maturité technologique, risque, rentabilité), même si des drones militaires utilisent déjà des piles à hydrogène ;
- Le développement des simulateurs de vols pour la formation des pilotes tant militaires que civils ;
- L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et des équipements des espaces aéroportuaires civils et militaires (isolation des bâtiments, mobilité verte, panneaux photovoltaïques).
Mais le trafic augmente plus vite que les solutions techniques ; d’autres actions doivent parallèlement être mise en œuvre (encouragement à la sobriété, report modal sur le ferroviaire à développer, taux de remplissage des avions etc..) et il faut être conscient des tensions entre le développement économique et la préservation de l’environnement tout comme des risques de conflits d’usage (pour les ressources des carburants non fossiles).
La Banque Européenne d’Investissement accompagne les investissements et les innovations au coûts élevés dans ces domaines par des prêts aux entreprises et une aide pour trouver des subventions, en ciblant l’efficacité énergétique aérienne et au sol.
ADELOR (Epinal-Mirecourt et Lorraine Aéroport)
Le recyclage des aéronefs (désamiantage, récupération des matières premières dans le cadre d’une économie circulaire, récupération des pièces détachées) est un défi pour les années à venir qui doit être relevé à l’échelle mondiale (perspective de 20 000 avions à traiter).
98 % de ce qui compose un avion peut aujourd’hui être récupéré (y compris pour de la décoration) mais on ne sait pas encore désolidariser la fibre de carbone du fuselage
AURA AERO (Toulouse)
Deux solutions sont en cours de phase industrielle (en utilisant des matériaux biosourcés et/ou recyclés, des fibres naturelles et des moteurs Safran) pour des vols courts (jusqu’à 400 kms) et régionaux (jusqu’à 1500 kms) :
- Un avion biplace entièrement électrique (batteries) pour les loisirs et la formation ;
- Un avion de transport régional 18 places hybride électrique, utilisable là où le train ne peut pas aller (les trajets transversaux par rapport au réseau ferré, par exemple Marseille Toulouse).
Selon la distance parcourue, la réduction des émissions va de 100 (pour les vols inférieurs à 150 kms) à 40 %.
Les défis pour les aéroports intermédiaires en France
Un état des lieux très synthétique des aéroports en France, en particulier intermédiaires (entre 10 000 et 3 millions de passagers par an comme celui de Lorraine Aéroport) est dressé par Michel Carrard qui évoque à plusieurs reprises le rapport de la Cour des Comptes de juin 2023 « Le maillage aéroportuaire français».
Le maillage étant le produit de l’histoire, la France se caractérise par une forte densité aéroportuaire : 550 aérodromes (dont 460 en métropole, essentiellement d’intérêt local) dont 73 ont accueilli des passagers et parmi eux 41 aéroports intermédiaires.
Jusqu’en 2019, les flux internationaux ont fortement augmenté, ce qui a dynamisé le trafic intérieur, mais avec une forte métropolisation (80% des flux bénéficient aux aéroports parisiens) et le développement des vols low cost (pour lesquels les aéroports payent les compagnies).
Les aéroports intermédiaires, concurrencés par le TGV, sont confrontés à une concurrence exacerbée par le low cost (facilité par le désengagement d’Air France sur certains vols) et, dans les territoires frontaliers, à une concurrence fiscale entre pays européens, alors que la Commission Européenne a programmé la fin des aides publiques pour les aéroports locaux en 2024.
C’est la rentabilité (difficile en dessous de 500 000 passagers par an) et la survie de certains aéroports qui sont en jeu, d’autant que les entreprises et les collectivités connaissent de fortes contraintes budgétaires.
L’aéroport au service des territoires
Pour les territoires, l’aéroport est un outil de connectivité et d’attractivité au service du développement économique (en moyenne on constate 950 emplois induits par million de passagers), mais au-delà de la communication politique, il n’y a pas de méthodologie unifiée pour évaluer précisément les structures de gouvernance, les coûts et les emplois induits.
Quel avenir et quelles perspectives pour les aéroports de la Grande Région ?
Les trois aéroports représentés (Sarrebruck, Lorraine Aéroport et Findel) partagent le choix de ne pas faire appel aux compagnies low cost.
L’aéroport de Sarrebruck (géré par une entreprise dont le Land de Sarre est l’unique actionnaire) s’est stabilisé entre 350 et 450 000 passagers par an. Il assure des liaisons intérieures vers Berlin (6 jours par semaine) et Hambourg (5 jours par semaine) ainsi que des vols vers les destinations touristiques (Turquie, Tunisie, Crète, Rhodes, Majorque etc..) et a des projets de développement vers la Turquie et la France. Il entend assurer sa durabilité et est ouvert à toute technologie de décarbonation
Lorraine Aéroport (propriété de la Région Grand Est qui en assure la gestion par l’intermédiaire d’un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial), au centre de la Grande Région, a subi de nombreux impacts négatifs : la concurrence du TGV depuis 2007 (comme l’aéroport de Strasbourg), la crise sanitaire, le retrait de compagnies aériennes, l’écroulement des vols d’affaire (coût pour les entreprises et développement des visioconférences) et a stabilisé son trafic passagers à environ 120 000. Il projette de développer les vols de vacances.
La Région Grand Est a sollicité un rapport, en cours, sur les trois aéroports (Lorraine Aéroport, Strasbourg, Vatry) sur son territoire de la part de la Chambre régionale des comptes.
L’aéroport du Findel (géré par Lux Airport dont l’état luxembourgeois est actionnaire) est exclusivement international. Il sert de hub à la compagnie aérienne nationale Luxair, ainsi qu’à la compagnie de fret Cargolux. Avec plus de 100 destinations de vols sans escale et actuellement 13 compagnies aériennes actives sur le site, l’année 2023 a vu un total de 4,79 millions de passagers, ce qui représente une augmentation de 8,9 % comparée à l’année de référence 2019, avant la pandémie.
Plaçant le client au centre de sa stratégie, le Findel entend mettre en avant sa proximité avec le centre-ville de Luxembourg (liaison gratuite par tramway effective en 2025) mais aussi offrir des services sur place avec le tout récent centre d’affaires lié à l’aéroport, le Skypark Business Center (hôtels, bureaux, boutiques, tous bâtiments durables sur 70 000 m2) qui sera opérationnel d’ici la fin de l’année 2024.
Il est cependant confronté à un manque d’espace et limité par une seule piste d’atterrissage rénovée en 2021 et 2022.
Les trois aéroports coopèrent déjà sur le plan technique et en matière de sécurité : en cas d’intempérie à Sarrebruck, les avions vont atterrir à Lorraine Aéroport et le Findel a dévié une partie de son trafic vers Sarrebruck pendant son chantier de transformation.
Mais la fermeture voulue par l’Europe des subventions publiques aux aéroports les condamne à s‘entendre et à élaborer une stratégie partagée basée sur leur complémentarité.
Dans son allocution de clôture, le Maire et président de l’Eurométropole de Metz François Grosdidier remercie les organisateurs et les participant à la conférence.
Il souhaite concilier les perspectives de développement du transport aérien, pour répondre à une demande sociale forte et favoriser sa démocratisation et la réponse aux enjeux de la transition écologique (en particulier la décarbonation et la gestion de la rareté du foncier) en réfléchissant à la mise en œuvre dans des temporalités différentes de solutions tant techniques que de gouvernance, de coordination et de régulation
Il appelle les représentants des aéroports à développer les coopérations et à relever ensemble les défis afin de définir ensemble une stratégie partagée de complémentarité, optimiser les infrastructures et les offres.
Pour aller plus loin
Le support de l’intervention de Michel Carrard
Etat des lieux du maillage aeroport uaire français (Michel Carrard)
Le rapport de l’ADEME « Trois stratégies pour décarboner le transport aérien » 2022
Le rapport de la Cour des Comptes « Le maillage aéroportuaire français » 2023 (version longue et synthèse)
Les sites des deux entreprises qui ont témoigné https://www.adelor.fr/ https://aura-aero.com/
Le compte rendu de la conférence « Les aéroports de la Grande Région » organisée par le Conseil Parlementaire Interrégional Grande Région en octobre 2019
Compte rendu conference CPI Les aeropor ts de la grande Région octobre 2019
La recommandation du Conseil parlementaire interrégional (CPI) concernant « Les Aéroports de la Grande Région – Maîtriser les défis, renforcer les points communs, coopérer par-delà les frontières » du 5 février 2021, téléchargeable sur le site du CPI
https://cpi-ipr.eu/-Recommandations-?lang=fr&y=2021
La page du Système d’Information Géographique Grande Région consacrée aux infrastructures de transport à l’échelle suprarégionale de la Grande Région
Quelques articles
https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/quel-avenir-pour-lorraine-aeroport-7375485
https://www.virgule.lu/economie/les-aeroports-de-la-grande-region-forces-de-s-entendre/332456.html
https://paperjam.lu/article/quel-avenir-aeroports-regionaux