Rencontre avec Peter Altmaier, ancien ministre allemand de l’Economie

à la Mairie de Metz le mardi 9 avril 2024 à 18 h 15

 Animée par Guy Keckhut

A l’initiative de l’IGR et de la Ville de Metz, Peter Altmaier était l’invité d’honneur d’une rencontre qui a réuni près de 80 personnes dans le grand salon de l’hôtel de ville de Metz.

Peter Altmaier : quelques éléments biographiques

Né le 18 juin 1958 à Ensdorf en Sarre.

1978, diplôme d’études secondaires, puis service militaire ; de 1980 à 1985, études de droit à l’Université de la Sarre à Sarrebruck ; premier examen de droit d’État en 1985 et deuxième en 1988 ; 1985 à 1986 études post-universitaires en « Intégration européenne », certificat en études européennes.

De 1985 à 1987, chercheur à la Chaire de droit constitutionnel et international de l’Université de la Sarre ; de 1988 à 1990, assistant de recherche à l’Institut européen de l’Université de la Sarre ; depuis 1990, fonctionnaire de la Commission européenne, de 1993 à 1994, secrétaire général de la Commission administrative de la CE pour la sécurité sociale des travailleurs migrants ; en congé depuis 1994.

En 1974, il rejoint la Junge Union (organisation de jeunesse de la CDU) et en 1976 il adhère à la CDU ; de 1988 à 1990, président d’État de la Junge Union Saar ; de 2000 à 2008, président de district de la CDU Saarlouis ; de 2006 à 2010, président de l’Union européenne Allemagne, depuis lors président d’honneur.

 

Membre du Bundestag depuis 1994 ; de 2004 à 2005 conseiller juridique du groupe parlementaire CDU/CSU ; de novembre 2005 à octobre 2009, secrétaire d’État parlementaire auprès du ministre fédéral de l’Intérieur ; du 27 octobre 2009 au 22 mai 2012, premier secrétaire parlementaire ; de mai 2012 à décembre 2013, ministre fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire ; de 2013 à mars 2018, chef de la Chancellerie fédérale et ministre fédéral chargé des tâches spéciales ; du 24 octobre 2017 à mars 2018, ministre fédéral des Finances par intérim ; de mars 2018 jusqu’en décembre 2021, ministre fédéral de l’Économie et de l’Énergie.

En raison de sa grande loyauté envers le parti et de son expertise, Peter Altmaier a gagné le respect et la confiance de la chancelière Angela Merkel et a rapidement été considéré comme son proche conseiller.

En 2015-2016, pendant la crise migratoire en Europe, il a milité pour que l’Allemagne prenne ses responsabilités en accueillant des milliers de réfugiés, avec pour conditions l’apprentissage de la langue et une insertion organisée sur le marché du travail. Une position finalement défendue par Angela Merkel.

 

Dans son allocution d’accueil, François Grosdidier, maire de la Ville de Metz et président de l’Eurométropole de Metz, a évoqué la forte vocation européenne de la ville, son grand attachement à la coopération avec l’Allemagne, et en cette période charnière de conflits et de remises en cause, les enjeux du renforcement de la coopération franco-allemande et, dans le cadre de la Grande Région, de l’organisation de l’espace de vie et de mobilité transfrontalière autour de la ville de Luxembourg.

Peter Altmaier a ensuite répondu pendant plus d’une heure aux questions dynamiques posées par Guy Keckhut devant un auditoire très rapidement conquis par sa parfaite maîtrise du français (une des quatre langues qu’il parle couramment), ses qualités oratoires, son très riche parcours politique, son authenticité et sa sincérité.

Après avoir précisé les raisons de son engagement en politique il y a près d’un demi-siècle, « pour changer la vie des gens dans une perspective de paix », il a insisté sur ce que représente pour lui le cœur de l’action politique, à savoir « résoudre les problèmes de la vie quotidienne des citoyens ».

Il a aussi souligné la responsabilité de sa génération de porter l’esprit européen dans le contexte de guerre en Ukraine et à Gaza et appelé, à l‘issue des élections européennes du 9 juin prochain, dont il regrette la « nationalisation », à un compromis entre libéraux, centre, démocrates-chrétiens et droite.

Il a aussi souhaité une relance du processus de l’Union méditerranéenne comme pilier central de la politique européenne dans le contexte géopolitique actuel.

Revenant sur la crise migratoire de 2015-2016, il a justifié les choix proposés à Angela Merkel par des enjeux géopolitiques (stabiliser la cohésion européenne et les relations avec la Turquie) et humanitaires. Il a aussi plaidé pour une politique migratoire à l’échelle européenne et une répartition équitable des flux entre pays de l’Union.

Il a enfin évoqué à plusieurs reprises la coopération franco-allemande qui doit rester le moteur de l’Europe, tout en reconnaissant que la guerre en Ukraine a eu un impact négatif sur la relation entre les deux pays. S’il y a sur le fond une vision assez proche entre les deux pays, aucun accord stratégique n’a pu malheureusement être trouvé.

Il a insisté sur la nécessité d’un compromis préalable entre les deux pays avant toute discussion avec les autres partenaires européens et sur la nécessité de ne pas manifester publiquement ses désaccords.

Article paru sur le site Voisins Nachbarn le 10 avril 2024 : Pourquoi Peter Altmaier est-il entré en politique

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Grande Région vers un traité international ? Coin du feu avec Franz Clément

   

 

Salle Saint Louis – Grand séminaire de Metz

Mercredi 29 novembre 2023 – 17h30-19h30

Près d’une trentaine de participants étaient présents pour entendre Franz Clément et dialoguer avec lui dans la très belle salle Saint-Louis, à l’occasion de ce « Coin du feu » organisé en partenariat avec la radio  RCF Jérico Moselle.

Dans son intervention d’ouverture, Roger Cayzelle a présenté Franz Clément.

Chercheur au LISER (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research) depuis 1996, Franz Cléments’intéresse en particulier aux travailleurs frontaliers au sein du marché du travail luxembourgeois et de la Grande Région.

A ce titre, Il est aussi coordonnateur des Cahiers de la Grande Région (en ligne sur le site du LISER https://www.liser.lu/?type=module&id=237 ) dont l’IGR est un des partenaires ; l’ambition est de rendre accessibles au grand public les travaux d’expertise sur les problématiques et les défis rencontrés au sein  de la Grande Région et à concourir au développement d’un esprit « Grande Région ».

Il anime par ailleurs tous les quinze jours le mercredi dans l’émission de RCF Jéricho Moselle « Midi Lorraine les entretiens » un échange avec une personnalité sur les problématiques de la Grande Région (https://www.rcf.fr/actualite/midi-lorraine-les-entretiens?episode=395914 ).

Résidant à Martelange, grand amateur de nature,  de promenades en forêt et de bonne cuisine, passionné de culture et de légendes locales, il est aussi l’auteur de plusieurs romans.

Franz Clément a ensuite développé ses constats et ses propositions.

La Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg n’ont cessé d’entretenir des liens privilégiés.

Ce fut le cas dès 1921 lors de la conclusion du traité sur l’UEBL (Union économique belgo-luxembourgeoise). Cette coopération s’est renforcée dès 1944 au sein du Benelux et dès la signature du Traité de Rome en 1957. Actuellement, malgré l’unification européenne, les traités UEBL et Benelux subsistent toujours et permettent, à un niveau infra-communautaire, aux deux Etats, de continuer à entretenir des relations.

Les deux pays se retrouvent depuis les années 1980 au sein de la Grande Région qui se structure progressivement avec deux Länder allemands (Sarre et Rhénanie Palatinat) ainsi qu’une région française (la Lorraine).

Cet espace est un lieu de coopération qui n’atteint pas le stade de l’intégration politique et les relations bilatérales dominent encore largement.

Pourtant cet espace aurait bien besoin de cette intégration. En effet, plus de 50 000 travailleurs frontaliers belges gagnent quotidiennement le Grand-Duché pour y exercer leur activité professionnelle où ils rejoignent les 120 000 frontaliers français et les 50 000 allemands.

Or dans cet espace, on constate une absence totale d’harmonie fiscale et sociale, ce qu’a encore démontré amplement la récente crise sanitaire, ainsi que des déséquilibres et des inégalités croissantes, en particulier dans les territoires de l’espace métropolitain autour de la ville de Luxembourg, dont la processus de développement est de de moins en moins tenable (en particulier au regard des besoins en compétences à venir et de la mobilité induite), tant au Grand-Duché qu’au-delà de ses frontières.

L’espace est confronté à des règles nationales et/ou régionales lorsqu’il s’agit de franchir les frontières alors qu’il est devenu un marché du travail intégré au sein de l’Union européenne.

Par ailleurs force est de constater que le Grand-Duché de Luxembourg traite « à la carte » avec ses voisins frontaliers (compensation fiscale ou encore jusqu’il y a peu le nombre de jours de télétravail)

Il est possible de passer d’un espace de coopération à un espace d’intégration politique garante de davantage de cohésion sociale et territoriale et du maintien de l’attractivité du territoire par le biais d’un traité international à conclure entre les membres de la Grande Région qui permettrait de dépasser l’addition de relations très majoritairement bilatérales et au coup-par coup ainsi que de mettre en œuvre un véritable multilatéralisme.

Cette intégration politique (traduite par de vrais pouvoirs exécutif et législatif qui coopèrent avec la société civile et qui bénéficient de moyens financiers au travers d’un fonds multilatéral et mutualisé de coopération) pourrait permettre, en s’appuyant sur une gouvernance permanente,  de faciliter des décisions en commun pour répondre à des problématiques globales en Grande Région et d’édicter des règles applicables sur l’ensemble du territoire de la Grande Région. Les compétences qui relèveraient de cette gouvernance devraient être identifiées selon le principe de subsidiarité autour des domaines qui concernent la vie quotidienne des habitants de la Grande Région (mobilité, emploi, apprentissage des langues, santé, formation professionnelle, télétravail, etc…).

La conférence a été suivie d’un échange avec les participants dont quelques points saillants peuvent être dégagés :

  • La proposition, jugée par certains comme utopique et trop critique vis-à-vis du Grand-Duché, a le mérite de bousculer les choses;
  • Le processus s’inscrit dans le temps long;
  • L’implication des états (en particulier l’état français) est incontournable ;
  • La hiérarchie des normes devra être respectée (afin d’éviter les collisions avec les traités européens et les constitutions nationales) ;
  • Une volonté politique partagée est indispensable à toutes les échelles territoriales;
  • Le contraste entre les réflexions menées par le LISER, Idea ou le Conseil Economique et Social Luxembourg et l’absence des questions transfrontalières dans la récente campagne législative au Grand-Duché ainsi que leur très faible place dans l’accord de coalition du nouveau gouvernement luxembourgeois pose question.

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