Un développement cohérent de la métropole transfrontalière de Luxembourg dans la Grande région

Le jeudi 13 octobre 2022 – 17h30 20h00

Siège de l’Eurométropole de Metz – Place du Parlement de Metz

 En partenariat avec

Le développement économique du Grand-Duché s’inscrit au sein d’un espace qui dépasse ses frontières nationales.

Le Conseil Economique et Social du Grand-Duché de  Luxembourg a adopté le 29 juin 2022 un avis formulant 23 recommandations pour une politique de coopération au service d’un projet de territoire transfrontalier plus cohérent.

Ces propositions visent à faire émerger un projet pour la métropole transfrontalière du Luxembourg qui passera par de nouveaux objectifs en matière de coopération transfrontalière.

C’est pour présenter ces propositions et en débattre que le Conseil de Développement de l’Eurométropole de Metz  et l’Institut de la Grande Région ont organisé une rencontre avec Jean Jacques Rommes Vice-président du Conseil Economique et social du Grand-Duché de Luxembourg et  Vincent Hein, économiste à la Fondation IDEA et rapporteur de l’avis du CES.

Plus de trente personnes, parmi lesquelles de nombreuses personnalités messines et luxembourgeoises, ont participé à cet échange animé par Jean Claude Moretti, président du CODEV et Roger Cayzelle président de l’Institut de la Grande Région.

En ouverture, Jean Luc Bohl, premier Vice-président de l’Eurométropole en charge   du Tourisme et des relations internationale remercie les participants de leur présence.

Il insiste sur la dimension transfrontalière du développement et de l’attractivité de l’Eurométropole et souligne  la proximité et l’amitié avec le Grand-Duché.

Il rappelle l’importance de la réflexion menée par le CODEV sur l’impact du phénomène  frontalier sur le territoire et les relations avec le Grand-Duché.

Repères sur les relations entre les territoires dans l’aire métropolitaine de Luxembourg

En introduction, le secrétaire général de l’IGR, Jean Salque, rappelle brièvement la vision de l’IGR sur la problématique des relations entre les territoires dans l’aire métropolitaine de Luxembourg.

La métropolisation est un processus de concentration des populations, des activités et des fonctions de commandement dans les  grandes villes qui amplifie un certain nombre d’enjeux d’aménagement liés à l’étalement urbain, aux mobilités croissantes et à l’augmentation de nuisances (pollution, engorgement) et réinterroge aussi les modes de gouvernance urbaine.

La Grande région n’échappe pas à ce phénomène et cherche à l’organiser. Depuis 2008 elle poursuit l’ambition de devenir une Région Métropolitaine Polycentrique Transfrontalière.

Elle s’est dotée récemment  d’un Schéma de Développement Territorial commun à l’échelle de la Grande Région (SDT-GR) pour renforcer la cohérence et la dimension intégrative du développement du territoire.

Au cœur de la Grande Région, pour la Lorraine Nord, l’Est de la Province wallonne du Luxembourg, l’Ouest de la Rhénanie Palatinat et de la Sarre, la proximité immédiate avec le Luxembourg génère une attraction très forte et donc des taux de frontaliers élevés.  Ces territoires font désormais partie de l’aire métropolitaine de Luxembourg qui regroupe, selon le périmètre choisi, entre 1,3 et 2,4 millions d’habitants.

L’aire métropolitaine de Luxembourg est ainsi caractérisée par de multiples interdépendances réciproques fortement révélées par la crise sanitaire. Elles sont porteuses d’opportunités, mais aussi de déséquilibres, de discontinuités de dissymétries sources de vulnérabilités et de risques tant pour les territoires périphériques que pour le Grand-Duché lui-même.

A l’inverse de la forte intégration fonctionnelle, l’intégration institutionnelle sur ce périmètre est complexe et éclatée.

Trois approches d’un rééquilibrage, dont la nécessité est peu contestée, sont aujourd’hui identifiables : la compensation fiscale, le cofinancement de projets, le codéveloppement.

Il s’agit désormais d’agir pour réduire les disparités et les déséquilibres de  mettre en en œuvre un nouveau modèle de développement résilient, moins spatialement différencié et plus solidaire (cohésion sociale et territoriale en engageant une transition sociale, économique et écologique globale et partagée.

Dès lors il faut faire face à quatre grands enjeux :

  • L’articulation, la cohérence et la complémentarité entre les différentes échelles d’action (européenne, nationale, grand régionale, régionale, infrarégionale) avec une meilleure prise en compte du fait transfrontalier et du Schéma de Développement Territorial de la Grande Région ;
  • L’agencement et la coopération entre acteurs, dans chaque versant et entre chaque versant de la Grande Région ;
  • Le développement de l’intégration politique à l’échelle de l’aire métropolitaine de Luxembourg (en s’appuyant sur le retour d’expérience de la gouvernance mise en place pour le Grand Genève) tout en consolidant dans une approche multilatérale la coopération partagée entre les Etats concernés et le Grand-Duché
  • L’élaboration à l’échelle de l’aire métropolitaine d’une stratégie durable d’aménagement du territoire fondée sur une vision prospective transdisciplinaire et systémique en s’appuyant aussi sur le retour d’expérience du Grand Genève).

Pour aller plus loin

https://institut-gr.eu/2022/10/30/regard-sur-les-relations-entre-les-territoires-dans-laire-metropolitaine-de-luxembourg/

Les travaux du CODEV de l’Eurométropole de Metz sur le phénomène transfrontalier et ses impacts

Jean-Claude Moretti évoque brièvement les missions du Conseil de Développement Durable (CODEV) de Metz Métropole, instance de concertation et de participation, composée de 80 membres bénévoles, représentant la société civile non élue : alimenter la réflexion des élus par la production d’avis ou de rapports sur l’aménagement du territoire et les services à rendre aux habitants.

La croissance de 70% du nombre des frontaliers du bassin de vie messin (aujourd’hui 5000 vivants à Metz et 4000 dans les communes aux alentours) dans la dernière décennie et les projections  du doublement des flux frontaliers vers le Grand-Duché à l’horizon 2050, alors que la démographie lorraine est atone, ont amené le CODEV à se saisir d’une problématique qui impacte en réalité 25 à 30 000 personnes sur ce bassin de vie et concerne l’ensemble de la Lorraine Nord, dans une logique d’interdépendance entre les territoires, entre eux et avec le Grand-Duché.

Les auditions menées ont abouti à la production de deux rapports :

  • La vie du citoyen métropolitain au regard du phénomène frontalier (les constats analyses – en octobre 2020)

https://www.eurometropolemetz.eu/fileadmin/user_upload/CRR/codev-vc-annexe1-1.pdf

  • Pour une métropole transfrontalière (les propositions – en mars 2021)

https://www.eurometropolemetz.eu/fileadmin/user_upload/CRR/codev-vc-annexe2.pdf

L’Eurométropole de Metz doit affirmer sa vocation transfrontalière, dans le cadre d’une communauté de projet avec les intercommunalités de Lorraine Nord (qui a un fonctionnement différent de celui de la Lorraine Sud). Elle pourrait être la porte d’entrée française de l’emploi frontalier au Grand-Duché.

L’avis du Conseil Economique et Social du Grand- Duché de Luxembourg « Pour un développement cohérent de la métropole transfrontalière du Luxembourg dans la Grande Région »

 Vincent Hein rappelle que cet avis, qui s’adresse d’abord aux décideurs luxembourgeois,  a été adopté à l’unanimité lors de l’assemblée plénière du 29 juin 2022. La commission de travail en charge de l’avis qu’il a rapporté était copréside par Michel Wurth et Jean Claude Reding.

La première partie de cet Avis propose une synthèse des défis actuels du développement territorial de la métropoletransfrontalière du Luxembourg, cet espace géographique « fonctionnel » qui dépasse les frontières nationales du Grand-Duché mais qui demeure considérablement plus restreint que le territoire de la Grande Région. Cet état des lieux, non exhaustif, aborde notamment la question du périmètre de cette aire transfrontalière, les avantages et opportunités mais aussi les risques associés à ce modèle de développement territorial du point de vue du Luxembourg et de ses partenaires,ainsi  que les défis que pose la pratique de l’aménagement du territoire dans un contexte transfrontalier.

Un certain nombre de « goulots d’étranglement «  ont été identifiés pour le Grand-Duché « Le manque dedisponibilité de main-d’œuvre qualifiée, la  rareté et le prix du logement, la saturation desinfrastructures de transport, la faible disponibilité foncière pour les activités économiques et lesincontournables contraintes environnementales sont des paramètres toujours plus contraignants del’équation du développement luxembourgeois dont la clef se trouve en partie de l’autre côté desfrontières nationales ».

Source : le codéveloppement dans l’aire métropolitaine transfrontalière du Luxembourg. Vers un modèle plus soutenable ?  Document de travail N° 13  IDEA Novembre 2019 – Vincent Hein

La deuxième partie de l’Avis décrit les principaux projets et les instances qui composent le cadre actuel  de la coopération transfrontalière entre le Luxembourg et les territoires limitrophes. Elle propose également unedescription de la coopération dans d’autres espaces transfrontaliers, notamment celui du Grand Genève, où unprojet de territoire transfrontalier a été instauré et fonctionne avec des outils qui n’existent pas dans la métropoletransfrontalière du Luxembourg.

Enfin, la troisième partie de cet Avis du CES formule 23 recommandations pour une politique decoopération au service d’un projet de territoire transfrontalier plus cohérent. Elles visent à faireémerger un projet pour la métropole transfrontalière du Luxembourg qui passera par de nouveauxobjectifs en matière de coopération transfrontalière, reposant sur 5 piliers :

  • l’aménagement du territoire et la mobilité,
  • le développement économique transfrontalier,
  • les politiques sociales et de santé, la formation,
  • les évolutions à favoriser en matière de gouvernance,
  • l’expérimentation (mécanisme de réduction des obstacles à la coopération, groupements communaux transfrontaliers ; télétravail, zones d’activité économique etc.).

La question des mécanismes de financement à la hauteur des enjeux, sous la forme de fonds dédiés, encadrés dans des conventions bilatérales, doit aussi être intégrée.

Le lien vers le rapport

https://ces.public.lu/dam-assets/fr/avis/themes-europeens/gr-developpement-coherent.pdf

Interview de Jean Jacques Rommes par Roger Cayzelle

Roger Cayzelle rappelle en introduction qu’après une carrière de 30 ans dans le secteur financier, dont 10 ans à la tête de l’Association des Banques et Banquiers (ABBL), Jean-Jacques Rommes a rejoint le Conseil d’administration de l’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL) en tant qu’Administrateur délégué et a présidé le Comité exécutif de l’UEL jusqu’en juillet 2018. Il reste un membre à part entière du CA de l’UEL, assiste aux réunions du Conseil et du Comité exécutif et se consacre notamment à la représentation patronale au CES dont il est actuellement Vice-Président après en avoir exercé la présidence de 2019 à 2021.

Sans langue de bois, comme il en est coutumier, Jean-Jacques Rommes rappelle que sous sa présidence, ce ne sont pas moins de 8 avis que le CES a rendu sur les problématiques transfrontalières et souligne les caractéristiques historiques du développement du Grand-Duché, dépendant d’un marché extérieur qui va bien au-delà de ses frontières (« un grand marché pour un petit territoire »).

Il regrette un certain « nombrilisme » des responsables du pays, qui semblent ignorer la dimension transfrontalière de l’aire métropolitaine de Luxembourg et en particulier le fait que si les frontaliers, en augmentation continue pèsent pour 50 % dans l’économie luxembourgeoise, la productivité est loin de croître aussi rapidement que la main d’œuvre.

https://www.rcf.fr/actualite/midi-lorraine?episode=299055

 

 

Au cours de la dernière demi-heure, de cette rencontre, les questions de plusieurs participants (Dominique Gros, André Parthenay, Yves Wendling, Bruno Théret, Dan Codello, Jean-Paul Nollet, Vincent Gross, Fabien Soria) ont  permis d’enrichir les deux interventions, en particulier sur les enjeux de l’appauvrissement des territoires périphériques, du partage des richesses, du droit (fiscal, social, du travail, de l’urbanisme, de l’environnement), de zone transfrontalières d’activité à partir des friches industrielles, du codéveloppement, de la diplomatie de proximité, etc…

Crédit photos Frédéric Kestener

 

 

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