Demain teinte

Demi-teinte

René Collin est un homme chaleureux qui sait recevoir ses amis. Il l’a montré l’an dernier à l’occasion du  sommet intermédiaire de la Grande Région à Marche en Famenne.  Il a récidivé le 20 décembre dernier en recevant à Arlon tout le gratin régional à l’occasion du 15e Sommet de la Grande Région. La totalité des responsables politiques de l’espace Grand régional  avaient en effet répondu à son invitation, de Paul Magnette à Malu Dreyer en passant par Annegret Kramp-Karrenbauer et bien sûr Xavier Bettel. Même Philippe Richert, le nouveau  président de la nouvelle Région Grand Est, était présent, accompagné, côté français, de Jean-Luc Bohl, Patrick Weiten, Mathieu Klein et Claude Léonard et du représentant du Préfet de Région. C’est ainsi, on peine toujours à dégager clairement le chef de file en Lorraine et la création de la nouvelle région n’a pas simplifié les choses. La séance de travail organisée par celui qui fut pendant deux ans le président de la Grande Région aura donc eu le mérite de la transparence. Elle aura permis d’afficher une volonté commune et des objectifs volontaristes devant tous ceux  qui s’investissent  dans cet espace défini en 1995 et qui regroupe la Wallonie, le Luxembourg, la Sarre, la Rhénanie Palatinat et la Lorraine. Au lendemain de l’attentat terroriste de Berlin chacun eut donc l’occasion de réaffirmer son attachement à l’Europe et à ses valeurs, René Collin passant ensuite en revue les travaux et les objectifs du sommet. Ils seront désormais  déclinés sous la présidence du Grand-Duché. Corinne Cahen, la future présidente, prendra officiellement ses fonctions le 2 février prochain et présentera alors ses objectifs pour les années 2017 et 2018. Au total, ce quinzième sommet  fut donc loin d’être inutile et il aura été marqué par une vraie volonté d’aller de l’avant. D’où vient pourtant ce sentiment récurent d’une initiative un peu trop convenue et assez peu attractive ? On a pu en effet le constater une fois de plus : ces sommets n’intéressent guère le grand public et relativement peu la presse. Les responsables politique français étaient par exemple venus en nombre mais aucun journaliste ne les accompagnaient, qu’ils soient lorrains, champardenais et encore moins alsaciens. Trois raisons principales peuvent expliquer ce désintérêt. La première tient au fait que, quoi qu’on en dise, un doute s’est installé inconsciemment dans l’esprit de nos dirigeants qu’ils soient Français Belges Allemands ou Luxembourgeois. Il y a certes sans nul doute moins de désarroi qu’au niveau européen où l’humilité est aujourd’hui de rigueur et où on répugne « à avancer des idées neuves qu’on serait incapable de mettre en œuvre » selon le mot de Janis Emmanouildis chercheur au centre politique européen. Les convictions de nos dirigeants régionaux restent  réelles, leur engagement n’est pas à remettre en cause  mais leurs priorités sont souvent ailleurs. La seconde raison est par contre due à la difficulté qu’ont  la plupart des responsables de la Grande Région Transfrontalière à relier une vision stratégique et le développement de projets concrets. Ils cherchent même parfois inconsciemment à opposer les deux. Or les projets et les réalisations effectives  sont bien plus nombreux qu’on ne le croit, comme on l’a bien montré Pascale Braun dans son remarquable ouvrage, « l’Europe entre voisins ». On rétorquera que les résolutions, issues du sommet, développent une  vision mais il faut bien dire que tout cela reste  trop peu incarné dans les expressions publiques des uns et des autres. Dans ces conditions l’intervention en fin de séance du wallon Philippe Ledent, président  du Comité  Economique et Social de la Grande Région, mérite par contre d’être examinée de près. Il fut un des rares à réussir un exercice visant à dire quels sont les problèmes posés et à exposer les voies et les moyens pour y répondre. Il ne serait pas absurde de s’appuyer sur ces propos très structurés. Enfin, l’’absence de visibilité du travail mené pour le Sommet réside aussi dans une mise en scène trop conventionnelle de ce sommet. Malgré la volonté du président Collin de faire en sorte qu’ils ne soient ni trop longs ni trop abstraits la succession de discours à la tonalité assez classique a pu paraitre par moment assez contre-productive. En matière d’affichage, la mire reste encore à régler.

 

Roger Cayzelle

LE JEUDI

 

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